• Je crois que l’unité est le plus grand idéal qu’on puisse vivre sur cette terre. Car nous sommes nés pour nous unir avec nos frères et sœurs en humanité. Unité veut dire amour qui unit, veut dire avoir un seul cœur, un seul esprit, un seul but dans notre vie. C’est la fin des conflits et des guerres. C’est l’harmonie entre les différences. Car unité ne veut pas dire que nous sommes tous semblables comme des photocopies les uns des autres, mais que nos variations sur un seul thème, l’avenir possible de l’humanité, viennent se compléter les unes les autres comme une merveilleuse symphonie.

    Mais voilà le problème : nous avons tous cru un jour ou l’autre à la construction de cette unité et souvent nous nous sommes découragés en chemin, car l’unité est tellement difficile à réaliser. Elle tourne souvent à la domination d’une personne ou d’un groupe sur les autres. Alors la tentation est forte de se replier sur soi ou au moins sur un petit groupe de personnes ou d’amis avec lesquels on puisse vraiment se comprendre. Mais nous voilà déjà justement sur la voie des conflits et des guerres.

    Alors que faire ? D’abord se convaincre que l’unité véritable ne peut exister qu’à 360 degrés. Car l’unité du genre humain ne pourra jamais exclure personne, sinon elle sera une caricature d’unité, elle se transformera en racisme ou en exploitation des plus faibles par les plus forts.

    Ce que nous pouvons faire, c’est commencer chacun de notre côté à croire à cette unité au fond de notre cœur, quelles que soient les apparences, quels que soient les échecs précédents. Et puis être fidèles à cette unité, là où nous avons commencé à la construire. Car c’est bien de fidélité qu’il s’agit. Lorsque j’ai commencé à m’unir à quelqu’un pour un but ou un autre, je ne peux plus retourner en arrière sous aucun prétexte.

    Mais si c’est l’autre qui n’est pas fidèle ? Alors la première chose à faire c’est d’aller voir cet autre et de parler sincèrement avec lui, de nous expliquer. Mais ce qui se passe en général, lorsque nous avons un problème avec quelqu’un avec lequel nous avions commencé un certain cheminement ensemble et qui semble tout à coup nous avoir trahis, c’est que nous cherchons des amis qui nous comprennent et que nous nous mettons à parler contre lui derrière son dos. Alors l’unité est brisée pour toujours. La confiance sera bien difficile à recoudre, lorsque l’autre découvrira que nous répandons des jugements négatifs à son sujet, sans même en avoir parlé avec lui d’abord face à face.

     

    C’est que nous sommes alors comme un pauvre homme qui voudrait remplir son sac en tissu avec de l’argent recueilli en route, mais sans s’apercevoir que son sac est troué et qu’il perd peu à peu en chemin tout l’argent qu’il y a mis. Nous créons ainsi l’unité d’un côté et nous la détruisons de l’autre, sans même y penser, et nous nous étonnons que cette unité soit si difficile à faire. Mais nous sommes les principaux responsables de cette catastrophe : c’est la dispersion dans l’unité, c’est la contradiction dans les termes. Attention, danger !


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  • Je sais que mes lecteurs m’attendent au tournant ces jours-ci. On ne parle plus que de lui dans les journaux, à la télévision, dans tous les médias possibles : l’élection surprise du nouveau président américain. Chacun essaye de dire son opinion, quitte à dire le contraire ou presque de ce qu’il pensait quelques jours plus tôt.

    Je vous avoue que je ne sais pas bien quoi dire. Moi aussi, je suis assez surpris. Et puis je ne suis pas américain. On doit toujours respecter les décisions des autres. Ensuite c’est clair que le ton assez équilibré des déclarations de Mr Trump après son élection est assez différent de celui des phrases provocatrices de sa campagne électorale. Au moins, il semble qu’il ait la sagesse de comprendre qu’il peut unir ses compatriotes au lieu de les diviser. Va-t-il y réussir ?

    Ce qui me laisse perplexe, c’est que Mr Trump me semble avoir une vision bien repliée sur soi de l’avenir des Etats-Unis, une vision bien égoïste et triomphaliste à la fois. « Retrouver la grandeur de l’Amérique » ? Faut-il lui rappeler que les Etats-Unis ne sont qu’une partie de l’Amérique qui compte une cinquantaine de nations, tout de même ! « Eriger des murs pour se protéger ? » Le Pape François n’arrête pas, ces temps-ci de demander au monde de construire des ponts et non pas des murs.

    Il faut tout de même se rappeler que nous sommes en démocratie, au moins une certaine démocratie et ce n’est pas la faute de Mr Trump si plus de la moitié de ses concitoyens l’ont élu avec de telles idées. Il y a là un problème. Et c’est le même problème qu’on trouve en ce moment dans la plupart des pays européens, à commencer par le Royaume Uni. Il n’y a qu’à voir cette peur d’accueillir des réfugiés.

    Je crois que nous avons devant nous des jours bien tristes pour toute l’humanité. Mais ce n’est qu’un moment difficile à passer. Il ne faut pas être très intelligent pour comprendre que désormais, et pour toujours, les peuples ne peuvent plus vivre sans tenir compte les uns des autres. On ne peut plus continuer à essayer d’être tranquille dans son coin alors que notre voisin est désespéré. Ou bien on ferme la porte au voisin, qui viendra un jour ou l’autre nous prendre de force ce que nous pourrions partager gentiment avec lui aujourd’hui, ou bien on commence déjà à partager.

    Ce n’est pas si terrible que ça de partager. Cela demande un peu de sacrifices au début, puis on s’aperçoit qu’on y gagne tous. Car notre voisin a des qualités, des capacités, des énergies qui pourront me faire un bien immense le jour où nous serons amis. Et surtout je n’aurai plus peur de lui, je n’aurai plus peur qu’il me force à lui ouvrir une porte et un cœur que je lui aurai déjà ouvert spontanément.

    Ne voit-on pas que c’est exactement le problème et en même temps la solution de la situation du Moyen Orient ? Si le peuple israélien avait décidé de mettre ses talents, sa technologie, ses découvertes, ses capacités comme celle de gérer l’irrigation, au service de ses voisins, au lieu d’ériger des murs, il ne vivrait pas aujourd’hui avec la peur maladive d’un terrorisme qui peut le détruire à tout moment. Et le Moyen Orient serait un havre de paix au lieu d’être une caricature d’humanité, pour ne pas employer des mots bien plus terribles. Est-il encore permis de rêver ?


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  • Vous savez que, chaque jour, selon les circonstances de nos activités ou de notre travail, nous « croisons » des dizaines de personnes, et peut-être même des centaines ou des milliers. Nous les croisons, nous avons peut-être affaire à eux pour un moment, une heure, une demi-journée, et puis ensuite, comme on dit, « ni vu ni connu », aucun impact sur notre vie, aucun souvenir, la routine quotidienne.

    Parmi ces personnes pourtant, il s’en trouve certaines que nous « rencontrons », pour la première fois, ou pour la centième fois, cela est au fond secondaire, mais ce sont des personnes qui, pour un moment, sont entrées dans notre « paysage ».

    C’est entre ces deux verbes, apparemment bien ordinaires, qu’existe toute la différence entre une vie bien remplie, pleine de sens, ouverte à l’infini, et une vie repliée sur elle-même, complètement anonyme ou anesthésiée. Et les conséquences en sont considérables.

    Croiser une personne, c’est être peut-être obligé de lui demander ou de lui rendre un service, puis la mettre de côté comme si elle n’avait jamais existé. C’est une manière de conserver sa liberté, car ainsi on a l’impression de ne devoir rien à personne, et de pouvoir continuer à faire tranquillement ce qu’on veut. C’est l’assurance d’une certaine « indépendance », qui veut dire en même temps une immense solitude, être à la merci des évènements extérieurs et des hasards de chaque jour, sans pouvoir rien y faire : en réalité le risque d’un vide absolu et finalement du désespoir.

    Tandis que si l’on veut mordre la vie à pleines dents, il n’y a pas d’autre solution que de « rencontrer » les personnes. Ce n’est pas si facile que cela. Car on ne peut pas « rencontrer » quelqu’un à moitié. « Rencontrer » quelqu’un, dès le premier instant, c’est l’accueillir en lui ouvrant sa porte et son cœur, prêt à tout ce dont il aura peut-être besoin. C’est commencer avec l’autre une aventure dont on ne peut absolument pas prévoir la suite et qui va certainement nous conditionner pour toujours…

    Là se trouve le choix de vie qui est demandé à chacun. On s’en tire en général en « rencontrant » seulement quelques amis bien triés et en « croisant » le reste de l’humanité qui ne nous intéresse pas. Mais c’est bien triste d’en rester là, vous ne croyez pas ?

    Vous allez sans doute me dire que c’est impossible de « rencontrer » sérieusement tout le monde. Il n’y a pour cela ni le temps ni l’espace. Mais c’est là un faux problème. Il ne s’agit pas d’une question de quantité, mais de qualité et de vérité dans nos relations. Il y a quelques jours, je suis tombé à la poste sur une nouvelle employée qui me semblait bien triste. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire tout mon possible pour tirer d’elle au moins un début de sourire, avant de lui dire « merci et au revoir ». Car c’est cela la « rencontre » : être toujours disponible à l’au revoir. Quelques jours après, je me retrouve devant la même employée, que je salue et à qui je demande gentiment : « Comment ça va ? » Et cette fois-ci, le sourire était présent dès le premier regard : cette jeune dame ne m’avait pas oublié. Nous avons même plaisanté ensemble. Désormais je ne suis plus pour elle un numéro anonyme.

    Car ce qui est fort et même dangereux (pour notre fausse tranquillité) dans la rencontre, c’est qu’on ne peut plus revenir en arrière. Lorsque j’ai serré la main de quelqu’un (sincèrement) une première fois, lorsque je lui ai fait un beau sourire, lorsque j’ai plaisanté avec lui, lorsque j’ai partagé sa joie ou sa souffrance, lorsque je l’ai salué avec émotion au moment de se quitter, la prochaine rencontre ne pourra pas être moins belle. Sinon nous allons nous décevoir l’un l’autre. Car la rencontre produit une nouvelle attente, et si cette attente est déçue, commence la tristesse ou la jalousie, la rancœur, le sentiment d’avoir été trahi. C’est que la rencontre est une sorte de promesse à l’infini sur laquelle il serait méchant de revenir en arrière.

    C’est bien pour cela que j’ai écrit cet article dans ma rubrique « interdépendance ». Car « rencontrer » quelqu’un cela veut dire être en quelque sorte toujours vulnérable, dépendant de ses réactions et de ses humeurs du moment. Mais c’est aussi aller chercher au fond de soi l’amour véritable pour toute l’humanité. Cet amour qui apprend peu à peu à pardonner, qui ne juge pas l’autre si aujourd’hui il est un peu fatigué et nous a répondu de travers. Un amour qui nous libère finalement nous-mêmes en libérant en même temps l’autre de ses conditionnements. La liberté n’est donc pas la joie bien triste de rester tout seul dans son coin, mais la force intérieure de faire de chaque rencontre une étape de plus vers une relation profonde où l’on apprend finalement à entrer tellement dans le cœur de l’autre que cet autre devient une part de moi-même et réciproquement. Alors s’établit la confiance et il n’y a plus jamais de déception ou de jalousie, mais seulement quelques épreuves de croissance à assumer de temps en temps, qui sont comme le sel ou le piment dans un plat déjà plein de saveurs.

     


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  • Interviewé récemment par Denis Lafay  dans “La Tribune”, voilà ce que nous dit Edgar Morin, sociologue et philosophe, sous le titre « Le temps est venu de changer de civilisation. » (Je reprends ici seulement un bref passage d’un article beaucoup plus long)

     « La planète est soumise à des processus antagoniques de désintégration et d'intégration. En effet, toute l'espèce humaine est réunie sous une "communauté de destin", puisqu'elle partage les mêmes périls écologiques ou économiques, les mêmes dangers provoqués par le fanatisme religieux ou l'arme nucléaire. Cette réalité devrait générer une prise de conscience collective et donc souder, solidariser, hybrider. Or l'inverse domine : on se recroqueville, on se dissocie, le morcellement s'impose au décloisonnement, on s'abrite derrière une identité spécifique - nationale et/ou religieuse. La peur de l'étranger s'impose à l'accueil de l'étranger, l'étranger considéré ici dans ses acceptions les plus larges : il porte le visage de l'immigré, du rom, du maghrébin, du musulman, du réfugié irakien mais aussi englobe tout ce qui donne l'impression, fondée ou fantasmée, de porter atteinte à l'indépendance et à la souveraineté économiques, culturelles ou civilisationnelles. Voilà ce qui "fait" crise planétaire, et même angoisse planétaire puisque cette crise est assortie d'une absence d'espérance dans le futur. »

    Que l’on soit d’accord en tout ou en partie seulement avec cette analyse, elle ne peut pas nous laisser indifférents. Il y va de la survie de l’humanité tout entière et plus seulement de la pauvre patrie de chacun, que cette patrie se sente faible ou encore capable de se gérer plus ou moins seule. Nous sommes vraiment de plus en plus interdépendants.

    Mais cette interdépendance n’est en soi ni positive ni négative. C’est notre réaction qui va être positive ou négative. Si un jour mes jambes décidaient de partir toutes seules parce qu’elles ne se sentent plus d’accord avec mon cerveau, on peut bien imaginer la catastrophe !

    Il est normal que l’on ait peur devant une telle situation de fait, indépendante de notre volonté. Mais cela servira-t-il à quelque chose de paniquer ? Les nations les plus nanties de l’Europe n’arrivent plus à supporter la lenteur des plus pauvres comme la Grèce ou le Portugal. Et que se passera-t-il lorsqu’on comprendra que l’avenir de l’Europe dépend aussi bien de celui de la Lybie, de l’Iraq ou de tous les pays africains ? Au lieu de voir cela comme une opportunité d’élargir nos horizons et de nous ouvrir à une humanité vraiment aux dimensions du globe, où chacun aurait sa place, sa dignité et enrichirait les autres ne serait-ce que par sa présence, voilà que chacun est tenté de se replier égoïstement sur soi ?

    Espérons que les nouvelles générations seront plus intelligentes et généreuses et comprendront qu’un repli sur soi ne serait finalement que le début d’un suicide collectif. Nous reviendrons encore souvent sur ce point qu’il faut répéter sans relâche si l’on veut encore avoir de l’espoir !

     

     


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  • Nous venons de rentrer d’un voyage extraordinaire de huit jours en Italie. Nous étions un groupe d’une quarantaine de personnes du Liban de tous les âges et de toutes les régions du pays. La plupart connaissaient au départ seulement quelques membres du groupe et voilà que nous sommes rentrés soudés comme une famille, comme un groupe d’amis qui ont vécu ensemble des années. Mais comment a pu se réaliser un tel miracle ?

    Il y avait sans doute plusieurs raisons, le thème du congrès international auquel nous avons participé et qui était centré sur l’unité, la paix et le dialogue. La beauté des villes que nous avons visitées comme Rome, Florence et Assise, les paysages merveilleux des collines italiennes, la qualité des repas que nous avons pris ensemble. Mais tout cela ne suffirait pas à expliquer ce qui s’est passé entre nous.

    C’est que, dès le départ, nous avons décidé que nous voulions faire ensemble une véritable et profonde expérience d’amitié dont personne ne se sente exclu. Et quand on part avec cet état d’esprit, tout devient une occasion d’entrer dans le cœur de l’autre et de se découvrir réciproquement. Tous les trésors rencontrés, les moments de bonheur intense et de méditation, mais aussi les difficultés inattendues, les aventures inévitables d’un voyage organisé, où l’on perd en chemin un membre du groupe, une valise, un passeport et l’on se met tous ensemble à leur recherche, avec une joie toute spéciale quand tout finalement se résout, tout devient matière première à la construction de cette amitié. Instants parfois tragi-comiques de suspens, d’angoisse passagère et de soulagement. Fatigue, patience et impatience, recherche et découverte, entrée dans l’inconnu, passage par tous les sentiments que l’on puisse ressentir, tourbillon et agitation et une grande paix pour finir…

    Et c’est là que se réalise le miracle de l’amitié. Car l’amitié, lorsqu’elle est sincère et désintéressée, défie les lois de la nature. Lorsqu’on partage de l’argent, de la nourriture ou même un peu de son temps, on a toujours l’impression de perdre quelque chose dont on aurait pu mieux profiter, on ressent la douleur du sacrifice, aussi petit soit-il.

    Tandis que, lorsqu’on partage l’amitié, voilà que soudain celle-ci se multiplie en se donnant. L’amitié s’enrichit en débordant, elle revient plus forte en se communiquant, elle reste en se perdant, car elle continue toute seule son chemin dans le cœur de l’autre, comme une semence enracinée dans la terre et qui porte toute seule ses fruits même quand on n’a plus le temps d’y penser. L’amitié semée progresse désormais toute seule et nous revient finalement transformée.

    Et le miracle peut-être le plus grand, c’est qu’elle ne provoque pas de jalousie. Je ne suis jamais gêné quand je vois un des membres du groupe prendre soin des autres, au contraire, car l’autre me complète, il arrive là où mes limites m’empêcheraient peut-être de faire toute ma part.

     

    C’est là qu’on goûte intensément au mystère de la vie humaine, à ce secret enfoui au cœur de chacun qui fait que nous sommes nés pour être tous frères et sœurs de la même humanité. Cela devrait être notre réalité quotidienne, une réalité qui nous échappe malheureusement si souvent au milieu des épreuves et des préoccupations de toutes sortes. Mais lorsqu’on a le courage de retenter l’expérience, lorsqu’on prend le temps de se remettre à l’essentiel, on peut retrouver au fond de soi et au cœur de tous ces compagnons de voyage, cette énergie bienfaisante qui donne à la vie son parfum et le sens profond de tout ce qui nous arrive et de tout ce que nous faisons. 


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